Une nouvelle DS : la « IE », par Bib56

Le contexte des années 60.

Au milieu des années 60, la suprématie de la DS 19 était contestée par une sochalienne aux dents longues : la 404 Injection. Même si ses qualités routières étaient loin d’atteindre le niveau de la DS, sa nervosité comme sa vitesse de pointe agaçaient souverainement les propriétaires de DS 19. La réponse de Citroën arriva au Salon de l’auto 1965 : la DS 21.

Quelques photos de la présentation de la 21 au Pré Catelan en Septembre 1965, avec une Panhard, car Citroën a pris le contrôle de l'avenue d'Ivry en Juillet 65.

C'est plus précisément une 24 BA, ce sera la dernière nouveauté de Panhard, qui fera pssschittt, avec seulement 161 exemplaires construits sur une seule année de production. La 24 BA est une version dépouillée de la 24, esprit "ID Luxe". On la reconnaît facilement à l'absence de grilles de prise d'air sous le pare choc, grilles visibles sur toutes les autres versions de la 24).

A cette époque où les importations étaient encore frappées de droits de douane, le prix élevé des voitures étrangères ne rendaient pas concurrentielles les rivales de la DS 21, tandis que la 404 était renvoyée dans les cordes.

 

Le tournant de 1968.

L’année 1968, révolutionnaire à bien des égards, ne fut pas de tout repos pour la DS. Dès mars, première attaque : la Renault 16 TS. Nerveuse et bien équipée, cette 9CV présentait un intérêt certain, notamment des glaces avant électriques que Citroën refusera toujours à la DS. Début juillet, la suppression des droits de douane pour les constructeurs du marché commun élargissait considérablement le champ des concurrentes potentielles de la DS 21 : Alfa 1750, BMW 2000, Mercedes 220… Octobre : Peugeot présente une 504 qui, dans sa version injection, cache mal ses ambitions. Avec 4 freins à disques, une suspension AR indépendante de très belle facture et 170km/h, elle peut grignoter le marché de la DS.

 

La réplique du Salon 1969 : la DS 21 Injection Electronique.

C’est au Salon de Paris 1969 qu’est dévoilée la nouveauté du millésime 70, la DS 21 Injection Electronique, disponible en finition Confort ou Pallas, en boîte hydraulique (type Mines DS-FA) et en boîte mécanique (type Mines DS-FB) toutes deux à 4 rapports avant.

 

On reconnaît l'ie à quelques détails :

De l'extérieur

  • Le logo sur la malle arrière
  • Les pneumatiques en 185 HR15 sur les 4 roues (au lieu de 180 HR15 et 165 HR15 sur la DS 21 carburateur)

Sur cette photo de presse, le Beige agate de l'année modèle 70, avec un toit noir absent des tables officielles.

Quelques teintes métallisées normalement réservées aux Pallas sont cependant disponibles en option sur une IE Confort, par exemple Sable métallisé en 71.

 

De l’intérieur

Un signe distinctif est la disparition de la tirette de starter, remplacée par un petit enjoliveur carré. Il y a enfin, au niveau des genoux du passager, un carter d'habillage du boitier électronique (détaillé sur cette autre page).



Sous le capot

le support de bidon d'huile de secours d'une DS se trouve habituellement fixé sur l'aile avant droite. Mais il n'y a pas de place pour ce support pour les DS "injection", car un filtre à air est installé à cet endroit.

Citroën a créé un support en isorel, marron foncé, installé dans la roue de secours, avec d'un côté le cric et de l'autre le support de bidon d'huile de secours. Cette pièce est uniquement attribuée aux DS "injection" 21 et 23 de septembre 69 à la fin de production.

Sur cette photo d'un modèle 23ie ayant en plus une climatisation Chausson accessoire, c'est carrément le bidon lave glace qui récupère cet emplacement.

Mais c'est là un montage de chez Toto. Car la plupart du temps en cas de clim Chausson, et à tous les coups en cas de climatisation usine si elle est alliée à l'ie, le bidon d'huile reste dans la roue. Et le bidon lave-glace et la pompe sont à gauche, près du radiateur de chauffage.

De façon générale, le compartiment moteur d'une ie est particulièrement dense.

Le peu de place qui restait disponible a été utilisée pour loger le système d’injection, le système de refroidissement est lui-même plus encombrant (vase d’expansion) et on note sous l’alternateur la présence du radiateur d’huile, le conjoncteur-disjoncteur étant accolé à gauche de la boîte.


(NB: je n'ai pas de bonne photo d'illustration - la photo ci dessous est une ie à boite mécanique 5 vitesses, qui n'a pas ce radiateur, voir explication plus bas...)


Ce radiateur d’huile est rendu vraiment nécessaire car avec l’injection, la DS 21 a indéniablement gagné sur tous les tableaux : la vitesse frôle les 190km/h, le kmDA ou lancé gagne environ 2 secondes et à moyenne identique, la consommation est réduite d’environ 1 litre.


Mais au-delà de l’aridité des chiffres, c’est en termes d’agrément de conduite que la DS 21IE a le plus progressé : elle est plus silencieuse, son moteur (type DX3) a nettement gagné en vivacité et au-delà de ses 139ch, ce sont les 10% de progrès mesurés sur le couple maximal qui ont annihilé la mollesse qu’on pouvait reprocher aux DS 21 à carburateur.
La DS 21 Injection Electronique ne va pas remplacer la DS 21 classique, elle complètera la gamme des DS par le haut. Nous avons donc la DS 20 en bas de gamme, la DS 21 carburateur en modèle intermédiaire, et la DS 21 IE en haut de gamme.

L’accueil réservé par la presse à la DS 21 Injection est excellent. Les journalistes soulignent l’homogénéité de cette DS dont les performances permettent enfin d’exploiter les qualités routières naturelles de la voiture. D’autres soulignent que pour réaliser les moyennes d’une DS 21IE, il faut aller chercher une Jaguar ou une Maserati, de préférence autour des 4 litres…
Le public des Citroënistes fidèles ne boude pas non plus son plaisir ! Puisque, sur les autoroutes françaises naissantes et à vitesse libre, leur voiture fétiche n’a pas vraiment de concurrente…

Un prix de la sécurité est même décerné à la 21ie par l'Association Française de la Presse Automobile (AFPA).


Un autocollant en ce sens ornera les lunettes arrière des 21ie.

Une première version pour le millésime 70.

Et une seconde version d'autocollant pour le millésime 71, avec une mention rajoutée: "Pour la deuxième fois consécutive". Il n'y aura pas de troisième année.

 

Evolution des DS IE

1970: premier millésime

C'est fort opportunément au moment du salon 70 que Citroën annonce la sortie de la millionnième DS, qui sera une 21ie; voir le dossier du Dr Danche sur la question.


Quelques évolutions vont rapidement arriver sur le moteur DX3 :

  • Les premières DS ie (sur quelques mois à partir de Septembre 1969) ont un damper monté en bout de vilebrequin côté distribution. Le damper, qui engendrait de nombreuses fuites d’huile au carter de distribution, est supprimé vers Novembre 69.
    Au final, les toutes premières 21 ie de début de millésime 70 sont réputées plus vives mais plus fragiles


  • A une date restant à mieux préciser, le faisceau électrique d’injection devient en 2 parties avec un connecteur à 11 voies blanc, permettant par exemple de déculasser sans avoir à enlever tout le faisceau électrique d’injection.

 

1971 : boite mécanique à 5 vitesses.

Nouveauté importante pour le millésime 71, la version à boîte mécanique des DS 21 (carburateur et IE) est dotée en série d’un cinquième rapport.
L’intérêt de ce rapport supplémentaire est de réduire le régime de rotation du moteur pour une vitesse donnée, au bénéfice de la consommation mais également de la fiabilité (baisse de la température d’huile)
Ainsi, la vitesse maximale s’établit à 5200tr/min (environ le régime de puissance) avec la boîte 5 vitesses, contre 5800tr/min en boîte 4 vitesses.
Avec une certaine logique et une confiance non dissimulée dans ses fabrications, Citroën supprime sur le bloc DX3 des DS 21M IE le radiateur d’huile : il n’y a décidément pas de petites économies.

NB: les ie à boite hydraulique conservent jusqu'à la fin le radiateur d'huile.

Tout au long de l’année civile 1971, le système d’injection va évoluer jusqu’à l’adoption d’une mesure de température de l’air aspiré. Il y a sur les DS 21 quatre combinaisons « sonde de pression-calculateur » qu’il ne faut pas mélanger…

 

1972 : boîte automatique en option.

La principale nouveauté technique de ce millésime 1972 est la possibilité, moyennant un copieux supplément, de disposer de l’une des plus mauvaises boîtes automatiques connues à ce jour : la Borg Warner 35.
C’est simple : après avoir acquitté une option qui représente 10% du prix de la voiture, votre vaisseau à injection retrouve les performances d’une DSuper, et consomme comme une paire d’ID 19. Bref, sans intérêt.

Cette DS 21IE « automatique » se reconnaît à quelques détails (voir le dossier du Dr Danche).
Mais administrativement, elle est noyée dans la masse des DS-FA à boîte hydraulique.

Par ailleurs les DS des modèles 72 et suivants se reconnaissent par une sorte d’empâtement du dessin : le volant mousse a perdu l’élégance des modèles enrubannés, et les poignées de portes plates n’ont pas la finesse des modèles précédents.


1973 : naissance de la DS 23.

La DS fête ses 17 ans lors du Salon de Paris 1972, et loin d’envisager la retraite, elle progresse encore, la puissance étant globalement accrue sur toute la gamme D.


Les DS 21 sont remplacées par des DS 23, dont le moteur se signale par un alésage accru (+3.5mm) augmentant la cylindrée à 2347cm3 (+172cm3)
En version Injection Electronique type DX5, la puissance progresse peu (2ch SAE mais 5ch DIN) mais le couple maximal passe de 18.7 à 19.9mkg.
Si la vitesse maximale est similaire à celle des 21IE (environ 190km/h) en revanche la nervosité comme les reprises progressent très nettement. Le gain de puissance à bas et moyens régimes fait des 23IE des voitures peut-être moins démonstratives que les 21IE, mais en définitive, plus efficaces face au chronomètre.
Le refroidissement est amélioré par l’ajout d’un ventilateur électrique à commande thermostatique.
Comme la DS 21, la DS 23IE est disponible avec 3 types de boîtes de vitesses : la 4 rapports à  commande hydraulique, la 5 rapports manuelle, et l’horrible Borg Warner automatique 3 rapports.

En avril 1973, nouveau faisceau d’injection avec 2 connecteurs (jaune et blanc)

1974-75
Aucune évolution notable à part l’installation d’un warning sur les DS millésime 75. Le bouton adopté n’est autre que celui de la GS et son aspect est différent de ceux qui garnissent habituellement la console. Citroën n’a pas fait l’effort d’harmoniser toutes les commandes du tableau de bord, et ce souci d’économie n’est quand même pas digne de la classe de la voiture…
Fait non dénué d’intérêt : la production des 23IE est 34% supérieure à celle des 23 carburateur.

La dernière DS produite sera d’ailleurs une 23 Pallas à Injection Electronique, de teinte Bleu Delta.

 


Les cabriolets Injection Electronique

La production des cabriolets dits « Usine » touche à sa fin au début des années 70 et l’apparition du moteur injection n’y change rien.
Au millésime 70, 18 cabriolets BVH et 15 cabriolets BVM sont produits.
Au millésime 71, 5 cabriolets BVH, 6 cabriolets BVM (5 vitesses donc) sont produits.
Les authentiques cabriolets 21IE sont donc très rares : 44 exemplaires.
Chapron utilisera également pour ses productions le moteur à injection, de même qu’il construira à la demande quelques cabriolets usine IE après le millésime 71.

 

Un serpent de mer : le break à Injection Electronique.

Le break D est, compte tenu de sa masse et de sa charge utile, peut-être la version de la gamme sur laquelle le moteur IE aurait été le mieux justifié. De plus, une version break Injection, pourquoi pas Pallas, aurait pris la concurrence de court pour quelques années.
Malgré cela, on n’associe pas dans les années 70 l’aspect utilitaire d’un break au côté technologique de l’injection électronique (le break CX ne deviendra 2400IE qu’en janvier 1982, après l’arrêt en France des 2400 carburateur ; et ne deviendra vraiment luxueux qu’en juillet 1983 avec le 25TRI)


Cependant, il y aurait eu quelques breaks montés en injection sur commande spéciale.
D’après O. De Serres : 4 breaks 21IE en 70, 3 en 71.

Un survivant est recensé sur le millésime 74: http://www.citrowagon.fr/8034_ds23ief_dde.html

D’après www.citrowagon.fr, il fait partie d'une commande DDE de 2 breaks 23IE en 74 (d’autres sources parlent de 3 breaks 23IE, dont l’un serait chez un marchand de pièces bien connu. Le mmmmmystère reste entier !)

A noter, pour conclure, l'existence d'un site ami de nuancierds.fr, dédié à la DS à injection électronique: entretien, tutoriels, historique, etc: http://www.salvadsie.fr/